PEIRCE ET PANODIA (3/3) : Illustration - L'Amour courtois - Moteurs cosmiques - Dynamisme sémiotique - Du sentiment à la loi morale - Sémiose descendante - Plus épicurien que jamais.

Tapisserie médiévale, collection privée, Pinterest

Reprise de ma causerie philosophique sur la canonique de Panodia. Chaque billet est centré sur un thème mais les digressions permettent, paradoxalement, de recentrer le propos. Cette illustration de la sémiose et de la phanéroscopie par l'Amour courtois, en m'obligeant à me mettre concrètement en situation, a sérieusement infléchi mon opinion sur la métaphysique évolutionnaire peircienne par rapport au billet précédent.

Préambule : les moteurs cosmiques et la Transcendance

Le billet d'aujourd'hui est donc destiné à illustrer les billets Peirce et Panodia (1) et Peirce et Panodia (2) consacrés à l'importation dans Panodia de ce que j'ai  compris de la canonique peircienne. Je ne reviendrai donc pas ici sur la présentation et la définition des éléments de base de cette canonique. Peirce jargonne beaucoup et il serait possible de substituer des mots classiques à ses (trop) nombreux néologismes. Je l'ai fait avec Tychisme et Anancisme qu'on peut remplacer par Hasard et Nécessité. En tout cas, je laisse les néologismes en italiques pour avertir le lecteur. Abduction fait partie de ces néologismes, Peirce ayant altéré le sens originel du mot utilisé par Aristote dans ses Analytiques (voir mon précédent billet).

En préambule, je voudrais nuancer le propos de mon précédent billet au sujet de ce que j'ai appelé les "moteurs" de sa métaphysique dite évolutionnaire (Tychisme, Anancisme, Synéchisme, Agapisme) et de l'Abduction comme générateur de "possible" donc de Priméité. J'avais cru pouvoir qualifier de transcendants les seuls Synéchisme (Unité) et Agapisme (Amour créateur), laissant du côté de l'Immanence le couple indissociable Tychisme-Anancisme (Hasard-Nécessité). Mais à la réflexion la Nécessité ne s'impose nullement au plan logique (ou épistémologique), le Hasard n'étant, quant à lui, pas autre chose que l'absence de Nécessité (comme le mal l'absence de bien). Je rangerai donc plutôt Hasard-Nécessité du côté de la Transcendance, avec l'Unité et l'Amour créateur.

Du côté de l'Immanence, il ne resterait donc que l'Abduction, c'est-à-dire, pour simplifier : la possibilité pour l'éprouvant (ou la communauté d'éprouvants) de rebattre les cartes, de frayer de nouvelles pistes, de comprendre autrement la signification du réel, et, de là, de créer de la nouveauté. L'Abduction relève d'une logique floue familière à ceux qui, comme les scientifiques, mettent le réel à l'épreuve. Elle donne à l'évidence une grande autonomie au réel phénoménologique dans sa dimension créatrice et évolutionnaire.

On perçoit bien par ailleurs que si le Tychisme et l'Abduction sont surtout les alliés de la Priméité, l'Anankisme l'est de la Secondéité, tandis que le Synéchisme et l'Agapisme le sont de la Tiercéité. Alliés extérieurs ou ou propriétés inhérentes aux catégories universelles ? Peirce a-t-il hésité à ce sujet ? A-t-il évolué au cours du temps ? S'est-il contredit ?

Une nuance aussi sur le Synéchisme que j'avais rapproché du principe de plénitude tel qu'il avait été défini par A. Lovejoy. Cette analogie m'est venue un peu trop facilement à l'esprit car en français le mot plénitude (en anglais : fullness) est souvent associé à un éprouver. Le sentiment de plénitude n'évoque pas tant le remplissage que l'ampleur, l'épanouissement, et une unité ressentie. Pas un nombre en somme, comme en anglais, mais une qualité voire une essence. La français plénitude est donc plus proche du Synéchisme que l'anglais fullness car il s'intéresse au ciment capable d'unir l'innombrable plus qu'à la multiplicité indéfinie des matériaux. Au fond le Synéchisme peut commencer à deux.

La Transcendance, avec ses quatre moteurs, est troublante lorsqu'elle s'immisce dans l'Immanence. Si l'esprit humain tend à les séparer c'est précisément parce qu'il n'a pas compris, et qu'il ne pourra jamais comprendre, leur indissociable alliance, le fait qu'elles ne font en réalité qu'une. Peirce s'est-il contenté du Musement, c'est-à-dire de la contemplation, pour effacer ce dualisme énervant, épuisant pour l'esprit ? Je le crois, et ce que j'appelle de mon côté, à la suite des sceptiques, la suspension n'est rien d'autre que du Musement. Ce n'est pas un vide, un nihilisme, c'est une forme d'accueil spirituel.

Le Dynamisme Sémiotique de l'Amour Courtois

Revenons à nos moutons : illustrer la canonique de Panodia inspirée par Peirce.

J'ai tout de suite pensé à l'exemple de l'amour, de l'Amour si l'on préfère, d'une part parce qu'il concerne tout le monde et, d'autre part, parce qu'on perçoit, sans être un spécialiste de phanéroscopie ni de sémiose, qu'il peut commencer par un sentiment pur, quasiment détaché d'autrui, une Priméité, puis s'achever avec un contrat, une Habitude et une Loi, une Tiercéité. Cet exemple semble donc permettre d'illustrer toutes les subtilités de la procession triadique du signe.

Parmi toutes les variantes de l'Amour j'ai choisi une forme dont la syntaxe a été presque codifiée, à savoir l'Amour courtois (Fin'amor). On y verra comment le développement et la désintégration du code courtois illustrent la progression - mais aussi la régression - de la sémiose illimitée, régies par le Tychisme, l'Anancisme et l'Agapisme.

L'Amour courtois (Fin'amor) est un phénomène littéraire et social qui s'épanouit dans les cours d'Occitanie et de France du XIIe au XIVe siècle. Il se définit comme un amour à la fois sublimé et extra-conjugal, caractérisé par la vassalité amoureuse de l'homme (le fin'amant) envers une dame noble et souvent mariée. Essentiellement un code de conduite (un légisigne social), il impose à l'amant l'humilité, la patience, le secret, et l'accomplissement d'exploits. Il s'agit, au sens peircien, d'une tentative pour transformer le sentiment (Priméité) en une loi morale structurée (Tiercéité).

La référence canonique et la plus systématique de ce Code se trouve dans le traité d'André le Chapelain, De Amore (vers 1186), qui tente d'établir les règles de l'Amour comme une véritable discipline dans un code à 31 articles (voir, par exemple, l'intéressante notice de Wikipedia sur André le Chapelain).

Sémiose Ascendante : la croissance du code médiée par l'Agapisme.

La sémiose ascendante est la progression irréversible (tendance générale) vers l'établissement de la Loi (Tiercéité), une progression guidée par l'Agapisme (l'amour créateur, loi de croissance de l'Intelligibilité).

Dans le tableau suivant, j'ai décomposé le processus complet en trois étapes :(1) l'aspiration, (2) le serment et (3) le code et j'ai identifié le signe (R, O, I) qui caractérise le mieux chacune d'entre elles selon le système peircien (on se rappellera que Peirce autorise 10 signes logiques sur 27 combinaisons possibles).

Representamen 

(R)

Objet 

(O)

Interprétant 

(I)

Étape 1 de l'aspiration

Pure priméité - Tychisme

Qualisigne 

(sentiment)

Icône 

(Image de Perfection)

Rhème

(Possibilité d'Amour)

Étape 2 du serment

Secondéité - Action, Anancisme

Sinsigne

(acte concret)

Indice

(lien existentiel)

Dicision

 (jugement affirmé)

Étape 3 du code

Tiercéité - Généralisation, Agapisme

Légisigne

(règle, habitude)

Symbole

 (idéal de vertu)

Argument

(loi morale)

Par souci pédagogique j'ai simplifié le processus en choisissant dans un processus continu des instantanés caractéristiques, là où le signe est le plus pur, le plus homogène.

Ainsi l'étape 1 est celle de la Priméité la plus  parfaite : comme Representamen R, le sentiment amoureux a la qualité de sensation pure; la douceur, la chaleur, l'émerveillement ou l'élan ressentis. C'est le sentiment subjectif brut d'être amoureux, avant même d'agir ou de réfléchir à l'objet. c'est un Qualisigne. L'Objet O, la Dame, est irréalisé en tant qu'image de la perfection, modèle idéal de beauté et de vertu, ceci par ressemblance idéale et non par lien existentiel. C'est une Icône. L'objet concret est délibérément maintenu à distance pour préserver la pureté de la qualité du sentiment. Quant à l'Interprétant I, qui est la conscience médiatrice entre O et R, c'est la possibilité d'un Amour effectif, d'une relation; c'est l'idée de la Dame comme prédicat simple ("La Dame est digne d'amour"), mais qui ouvre le champ à de futures interprétations. C'est un Rhème.

L'étape 2 caractérise la Secondéité puis l'étape 3 la Tiercéité. Le sentiment pur (Qualisigne) finit s'incarner dans des faits (Sinsigne) comme des des poèmes, des quêtes, des regards échangés) pour devenir une règle/habitude de comportement (Légisigne, e.g., l'obéissance aux codes de la fin'amor). L'image idéale (Icône) est reliée par contiguïté existentielle (Indice, par exemple la Dame en tant que personne réelle au château) avant de devenir un Symbole (la Dame en tant que modèle vivant de la Perfection ou du Bien qui motive le comportement du chevalier). La simple possibilité (Rhème) devient un jugement (Dicision, "Mon amour est vrai", "Elle est la plus belle") avant d'être la Loi Morale (Argument, "Le service d'amour est la règle d'une vie noble").

Si la sémiose est en théorie illimitée, Peirce met en avant la notion d'Interprétant final, ultime stade, contemporain de l'entrée dans l'Habitude. Ainsi la finalité de l'Amour courtois n'est-il pas tant une relation qu'une discipline morale et sociale. L'Interprétant Final n'est pas la possession de la Dame, mais l'amélioration du chevalier. L'amour devient une loi normative qui gouverne sa conduite. Le Processus devient Règle : les gestes (Sinsigne) et les idées (Icône) se cristallisent en un code de conduite (Légisigne/Argument) qui définit la chevalerie et la noblesse d'âme. L'amour courtois vise la Tiercéité (la médiation et la loi) en faisant de l'amour le principe médiateur entre la nature brute du chevalier et son idéal de vertu.

Du sentiment à la loi morale

La simplification de cette sémiose de l'Amour courtois tient au fait que je ne l'ai pas présenté comme un processus continu mais comme une suite de trois instantanés. Chaque étape est emblématique car les signes y sont représentatifs de la Priméité, de la Secondéité et de la Tiercéité, ceci sans mélange. Or on pourrait imaginer des stades intermédiaires, par exemple pour passer du stade 2 au stade 3, un signe de type [Sinsigne-Indice-Rhème] indiquant une transition vers la rencontre et la recherche de la présence réelle de la Dame mais sans que la conscience du Chevalier sorte de son rêve amoureux ("la Dame est digne d'amour").

Plus important encore, on doit s'interroger sur la nature des forces qui dirigent cette ascension vers la Tiercéité. La logique peircienne impose que pour un signe donné le Representamen soit d'un degré supérieur ou égal à celui de l'Objet lequel soit d'un degré supérieur ou égal à celui de l'Interprétant. Mais lorsqu'on passe d'un signe à un autre, que l’on considère que le processus est soit continu soit discret, aucune règle logique ne semble s'appliquer. On peut tout inventer, notamment qu'un Interprétant de type Argument retombe brutalement au stade Rhème faute de pouvoir concevoir cette Loi qui semblait pourtant en voie de s'établir. Une situation amoureuse qu'il n'est pas difficile d'imaginer.

Dans l'avant-propos j'ai complété ma présentation antérieure des forces cosmiques qui dirigent ou orientent le processus sémiotique, qui le ré-orientent ou qui le défont. Quel que soit leur statut par rapport à l'Immanence et la Transcendance et quelle que soit la nature de leur association avec les trois Catégories universelles de Peirce, examinons comment elle pourrait s'exercer ici.

Le changement de type entre les étapes 1 et 2 est crucial :

Rhème (R) → Sinsigne (R) : l'idée (Rhème, pure possibilité) ne devient un Representamen de Secondéité (Sinsigne, fait existant) que par un acte de volonté/force sur l'Objet.

Icône (O) → Indice (O) : l'Objet passe en effet de l'image (Icône, ressemblance) à la personne réelle (Indice, contiguïté) par l'action concrète, introduisant la Secondéité.

Dans ce cas, on pourrait invoquer que la transition est interne au processus, l'acte de "volonté" étant la conséquence du regard croisé que se portent les membres de la triade. Une force de Secondéité sui generis en somme. Les biologistes ne seront pas surpris par cette possibilité de nouveauté créée par la seule reconnaissance des partenaires, ceci sans intervention extérieure, si l'on exclut la nécessité de puiser dans les ressources du milieu primitif (l'Apeiron, l'intermundil'ordre implicite, mon Unusia). C'est l'un des grands principes de l'interaction moléculaire.

Est-il donc besoin d'invoquer une intervention extérieure de l'Anancisme (la Nécessité) pour passer de la Priméité à la Secondéité, comme les grecs croyaient nécessaires que le Destin intervînt pour régler le sort des individus  ? Je ne le crois pas.

Quant au passage entre les étapes 2 et 3, on peut dire que c'est l'acquisition d'un statut d'intelligibilité entre les partenaires qu'il leur suffit d'entretenir pour éprouver qu'ils sont parvenus à leur fin. Cette fin est-elle le tèlos des Grecs repris par Peirce ? Et la force motrice est-elle cet Agapisme venu d'ailleurs et qui communique sa nature à qui recherche le chemin vers la fin qui lui a été destinée ? Plus j'y réfléchis et moins j'ai besoin de cette croyance. Comme avec le passage du stade 1 au stade 2, je pense qu'on peut fort bien s'en tenir à la loi de coopérativité des partenaires, à une loi de dynamique interne s'exerçant différemment selon qu'on est au stade 1, 2 ou 3. Chaque Catégorie universelle, (Priméité, Secondéité, Tierciéité) possèderait ainsi ses règles de dynamisme propres. Chaque Catégorie serait un moteur en soi. D'ailleurs Peirce associait ses Catégories au phanéron : elles étaient bien in re (dans les choses) comme celles d'Aristote, ce qui leur confère une forme d'autonomie processuelle dispensant du recours aux forces transcendantes.

On comprend que Peirce ait tant eu recours à sa métaphysique évolutionnaire et ses forces cosmiques transcendantes pour expliquer le réel. Certes il était scientifique et épistémologue mais, comparé à un philosophe actuel, il lui manquait la mécanique quantique et la biologie moléculaire. Il aurait compris que l'évolution cosmique, ou biologique, est capable de naître en quelque sorte d'elle-même (sous réserve pour le phanéron de pouvoir puiser les ressources nécessaires dans Unusia, la matrice primitive). Il aurait compris que l'essor naît du bas et non du haut et qu'on peut se maintenir dans l'Immanence de bout en bout en bout, ou plus exactement, se dispenser d'elle comme de son corollaire la Transcendance.

Sémiose descendante : retour à l'indéterminé

Revenons à l'Amour courtois pour s'interroger sur ce que pourrait être dans ce modèle une sémiose descendante, c'est-à-dire une remise en cause de l'ascension vers la Loi morale à laquelle s'identifie le rhème de l'Interprétant final, forme achevée de la Tiercéité, qui instaure le signe dans l'Habitude (voir tableau ci-dessus).

Franchement, j'ignore si Peirce a formalisé ce type de situation. Chez les commentateurs que j'ai lus, seule la sémiose ascendante est soulignée. Le processus sémiotique est inexorablement poussé vers l'avant (le plus, le mieux) par l'agapisme. Pourtant Peirce, dans son épistémologie, se fait par ailleurs le défenseur du faillibilisme et le promoteur de l'abduction, deux principes qui rendent compte de la fabrique du réel par essais et erreurs et par génération d'hypothèses plausibles sur l'apparition de faits étonnants. L'éprouvant (ou la communauté des éprouvants) face à l'étrangeté du réel se remet en question, fait retour en arrière, jusqu'au principe et à la Priméité, invente des moyens de s'en sortir, inaugure de nouvelles renaissances.

On peut sans trop de risque appliquer ceci à l'Amour courtois. Si illimitée et créatrice que soit la sémiose, la Tiercéité (la Loi) doit pouvoir être déconstruite. Comment le retour à la Priméité peut-il se faire dans ce cas particulier ?

Imaginons que le Chevalier, qui n'est qu'un homme, n'ait pas une constitution psychologique parfaitement adaptée au Code, à la Loi Morale. Qu'il ne supporte pas, par exemple, que la Dame accepte les hommages d'un autre Chevalier, ce que le Code permet pourtant et va même jusqu'à encourager. Cela s'appelle la jalousie. La jalousie est le fait nouveau, non anticipable, auquel le jouvenceau n'était pas préparé. Il se voit alors obligé de réfléchir à des solutions qui ne le discréditent aucunement auprès de la Dame et qui soient propres à inscrire son sentiment amoureux originaire (la Priméité) dans un cadre élargi où il reste inviolable, hors des atteintes de la mesquine psychologie. Il voit deux solutions possibles : le couvent ou la croisade. C'est sa façon à lui de pratiquer l'abduction et cette abduction lui suggèrera l'issue par laquelle son sentiment d'origine retrouvera noblesse et fierté.

Plus épicurien que jamais

J'avais pensé aller plus loin encore dans l'illustration de la sémiose avec les Métamorphoses d'Ovide. Mais cela relève de l'exercice de style et m'aurait écarté de l'objectif du blog qui prétend uniquement transcrire les méandres du dialogue intérieur et les communiquer à autrui. J’aurais continué à jargonner avec Peirce, dans le langage allégorique du Roman de la Rose ou dans la prose de Madeleine de Scudéry, mais en beaucoup plus indigeste. Ce n'est pas cela que j'attends de la philosophie. J'espère que l'exemple de l'Amour courtois aura au moins convaincu le lecteur anonyme du bien-fondé de l'analyse sémiotique et de la phanéroscopie selon Peirce.

On aura remarqué également que cet effort d'illustration par des exemples concrets a définitivement infléchi ma position sur les quatre forces dites cosmiques qui structurent la métaphysique dite évolutionnaire de Peirce. Dans un premier temps j'avais jugé bon de distinguer des trois autres celle qui me paraissait relever uniquement de l'Immanence, à savoir le couple Hasard-Nécessité (ce que Peirce appelle respectivement Tychisme et Anancisme). Puis j'ai finalement jugé qu'il fallait toutes les y rapatrier; les intégrer et finalement les assimiler aux trois Catégories universelles elles-mêmes, à la place qui revient à chacune. 

J’irai jusqu'à dire que le grand mérite des trois Catégories Universelles de Peirce c’est de permettre ce rapatriement du Transcendant dans l’Immanant, non seulement en gommant leur frontière commune mais en les dissolvant dans le réel phénoménologique jusqu'à l’annihilation. Je n’ai pas l’impression que Peirce ait été jusque là mais je lui sais gré de me permettre de le faire.

Ainsi la dualité Transcendance versus Immanence n'a plus lieu d'être. Elle ne se justifie plus et je n'ai même plus besoin de suspendre mon jugement à ce sujet. Le tèlos qu'on affecte à la marche de l'univers est contenu dans sa propre dynamique, processuelle et triadique; le tèlos s'affirme et s'ajuste en chaque point de l'espace-temps. Et moi je suis un peu plus libéré, allégé, plus épicurien que jamais.